Réforme CFE : Interview du député Laurent Grandguillaume



Point sur la hausse des cotisations Sociales dues par les Autoentrepreneurs en 2014 - ©Frederic Lossignol

Lors de la précédente mobilisation des Poussins pour sauver le régime Autoentrepreneur, le député PS Laurent Grandguillaume avait mené les concertations entre les Autoentrepreneurs et les syndicats d’Artisans, au sein de la commission sur l’Entrepreneuriat individuel qui a remis plusieurs propositions, notamment celle d’une réforme de la CFE pour plus de justice fiscale.


Laurent Granguillaume dépose tout prochainement des Amendements liés à cette idée. Le Mouvement des Poussins a voulu en savoir plus.

Le Mouvement des Poussins : La CFE est un sujet de préoccupation majeure pour toutes les Entreprises, particulièrement les Petites Entreprises et les Auto-Entrepreneurs qui dégagent un chiffre d’affaire relativement modeste.


Nous avons reçu des milliers de témoignages de petits entrepreneurs qui nous expliquent leurs difficultés et démontrent à quel point le mode de calcul actuel de la CFE basé sur le forfaitaire et non pas la proportionnalité, crée des situations d’injustice et met en danger la stabilité financière de nombreuses petites entreprises.

Partagez vous ce constat ainsi que la nécessité de réformer la CFE pour en faire un impôt plus juste ?

Laurent GRANDGUILLAUME : Lors de ma mission sur l’entrepreneuriat individuel l’année dernière le sujet de la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) a été abordé à de nombreuses reprises avec les représentants des autoentrepreneurs, des artisans et des experts-comptables.



La CFE est une taxe complexe. En effet, son taux est déterminé par les intercommunalités, dont le nombre est d’environ 2 500. La prise en compte du taux retenu par chacune d’elle serait très lourde en gestion, avec des risques d’erreur non négligeables. L’assiette est la valeur locative, très délicate à apprécier pour les activités d’auto-entrepreneuriat.



Les auto-entrepreneurs en étaient exonérés l’année de leur création et les deux années suivantes. Les difficultés de toute nature ont amené le législateur à repousser d’année en année le recouvrement de cette taxe. Pour des raisons de simplicité, et après avoir débattu de ce sujet en commission, je proposais dans mon rapport de modifier le processus envisagé pour le rendre simple pour l’entrepreneur et simple en matière de recouvrement. La proposition (n°17) était, pour les entrepreneurs au régime forfaitaire, de remplacer la CFE par une Contribution économique territoriale proportionnelle au chiffre d’affaires.


Le Mouvement des Poussins : Vous avez préparé un amendement concernant la CFE dans le cadre du Projet de loi de Finances 2015 actuellement en débat à l’Assemblée Nationale. Pouvez-vous nous détailler son contenu et nous en dire plus sur le calendrier qui pourrait mener à l’éventuelle adoption de votre amendement ?

Laurent GRANDGUILLAUME : L’amendement CFE que je déposerai sur la 2nd partie du Projet de Loi de Finances 2015 (PLF) est issu de mon rapport et des travaux menés en concertation avec les artisans et les auto-entrepreneurs.




Le principe du régime du forfait étant d’avoir un taux unique qui couvre l’ensemble des impôts, taxes et cotisations, ce principe n’est plus applicable avec la CFE telle que conçue aujourd’hui. C’est pourquoi je proposais dans mon rapport de revenir à la Contribution économique territoriale, et que soit défini par le législateur un taux unique national, intégré dans le taux global applicable aux entreprises relevant du régime au forfait. Ce taux inclurait les taxes additionnelles à la CFE pour les chambres consulaires.


Les sommes collectées seraient transférées aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés et aux chambres consulaires.



J’avais déjà déposé un tel amendement lors du Projet de Loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Concrètement mon amendement vise appliquer pour les entrepreneurs individuels relevant du nouveau régime forfaitaire, le taux de 0,03 % pour la CFE, qui est un taux moyen. Son recouvrement sera aisé et peu coûteux.


L’examen de cet amendement déposé en seconde partie du PLF 2015 se fera en commission des finances le 5 novembre et la semaine suivante dans l’hémicycle.


Le Mouvement des Poussins : Comment percevez-vous les positions de la classe politique sur la question de la CFE et plus particulièrement la position du Gouvernement ? Pensez vous que les élus se rendent vraiment compte de la profonde injustice du mode de calcul de la CFE et des grandes difficultés qu’elle cause aux petites entreprises ?

Laurent GRANDGUILLAUME : Tout d’abord je tiens à rappeler que la CFE a été créée sous la précédente majorité en loi de Finances 2010. Dans la Loi de Finances 2014 l’actuel gouvernement a pris conscience de la capacité contributive limitée de certains contribuables aux revenus modestes.



L’article 57 de la loi de Finances 2014 a fait en sorte que l’imposition à la CFE de tous les redevables réalisant un montant faible de chiffre d’affaire ou de recettes ne soit pas excessive au regard de la réalité de leur activité de même il a rendu l’imposition à la CFE réellement progressive. La loi de Finance 2014 a instauré un nouveau barème de fixation du montant de la base minimum de CFE :

  • Comprenant 6 tranches au lieu de 3.
  • Présentant de nouveaux seuils de fixation du montant de la base minimum, ce qui renforce la

    continuité du barème et son caractère proportionnel aux capacités contributives des redevables.

  • Permettant aux collectivités de prendre en compte la situation particulière des titulaires de BNC, qui bénéficient, à CA équivalent, de capacités contributives plus importantes

Toutefois elle a mis fin à l’exonération à la CFE des auto-entrepreneurs et ainsi n’a pas adapté cette cotisation complexe à un régime qui se veut simple.


Le Mouvement des Poussins : En plus de l’aspect proportionnel et non plus forfaitaire, le Mouvement des Poussins a fait 3 propositions phares concernant la CFE pour la rendre plus juste envers les auto-entrepreneurs et plus largement l’ensemble des petites entreprises :

  • Exonération pour les chiffres d’affaires modestes (proposition d’ailleurs soutenue dans un des rapports de l’IGF)
  • Exonération pour les petits Entrepreneurs exerçant depuis leur domicile pour éviter l’effet de double imposition avec la taxe d’habitation et/ou la taxe foncière
  • Sanctuariser l’exonération pour les premières années d’activité.

Qu’en pensez-vous ?

Laurent GRANDGUILLAUME : Je suis plutôt favorable à ces propositions même si je pense qu’il faut veiller à une équité entre les taxes payées par les artisans et les auto-entrepreneurs, ce qui était d’ailleurs le fil rouge de mon rapport et des propositions formulées. Il nous faut également rester vigilant et bien considérer l’impact financier qu’aurait de telle mesures sur le budget de l’Etat.


Le Mouvement des Poussins : Dans vos fonctions de Député et de co-président du Conseil de Simplification, vous êtes très engagé sur les questions qui touchent le monde de l’Entreprise. Pouvez-vous nous donner votre vision et vos propositions majeures pour améliorer l’Entrepreneuriat en France ? Comment donner confiance et envie aux Entrepreneurs de lancer et/ou développer leur activité ?

Laurent GRANDGUILLAUME : C’est une fierté que d’avoir été désigné, aux côtés de Guillaume Poitrinal, en tant que co-Président du Conseil de la Simplification. Thierry Mandon a fait un très bon travail au sein du conseil et c’est une joie de pourvoir reprendre sa suite. J’ai beaucoup travaillé avec Thierry Mandon à l’Assemblée sur la vie des entreprises. Nous avons créé un groupe de réflexion dont l’objectif est d’organiser régulièrement des débats avec des entrepreneurs et des syndicats afin d’être force de proposition pour le redressement économique, la simplification de la vie des entreprises et sur les évolutions du monde du travail.



Le Gouvernement est déterminé à soutenir les entreprises, afin de redonner de la force à l’économie et faire reculer le chômage. Il faut pour cela améliorer leur compétitivité, ce à quoi vise le pacte de responsabilité et de solidarité. Mais cela passe aussi par la simplification de l’environnement fiscal et règlementaire des entreprises.



Nous pouvons réformer la fiscalité, la rendre plus simple et plus juste. L’État doit moins intervenir dans les entreprises, afin qu’elles puissent porter leurs projets, avec moins de fiscalité. L’Etat intervient trop, à travers des dispositifs ciblés inefficaces. Il doit se concentrer, à mon sens, sur l’accès aux services publics dans tous les territoires.


Le mot de la fin des Poussins : La voix des petits Entrepreneurs porte dans le débat public.
Une réforme majeure en faveur d’une CFE proportionnelle est plus que jamais possible. Continuons et amplifions notre mobilisation dans les prochaines semaines !

Un pour tous, tous Poussins !

Adrien Sergent et Frédéric Lossignol,
Co-fondateurs du Mouvement des Poussins


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L'auteur : Adrien Sergent

Co-fondateur du Mouvement des Poussins. Lanceur d'initiative Citoyenne et Entrepreneur dans le numérique.

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